Les conséquences persistantes de l’insurrection de Boko Haram au Cameroun ont entraîné le déplacement de milliers de personnes, la fragmentation de nombreuses communautés, ainsi que la nécessité de réintégrer d’anciens combattants.
L’insurrection de Boko Haram au Cameroun continue de produire des effets dévastateurs : des milliers de personnes déplacées, des communautés brisées et des ex-combattants nécessitant une réintégration. Les femmes, souvent prises en étau dans ces conflits, font face à des défis spécifiques tels que les traumatismes, le déplacement et la stigmatisation.
Conscients du rôle clé que peuvent jouer les femmes dans la reconstruction, NORCAP soutient les organisations dirigées par des femmes dans les efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Ces actions permettent non seulement la réintégration des anciens combattants, mais aussi la reconstruction des communautés profondément affectées par le conflit.
Le défi du DDR au Cameroun
Le Cameroun compte trois centres consacrés au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des membres des groupes armés. Actuellement, ces centres accueillent près de 3 000 anciens combattants affiliés à Boko Haram.
L’implication des acteurs locaux — en particulier des organisations dirigées par des femmes — dans les activités de ces centres est de plus en plus reconnue comme essentielle. Ces organisations apportent une perspective cruciale aux processus de DDR, en répondant aux besoins spécifiques des femmes et des filles affectées par le conflit, tout en favorisant la résilience et la guérison communautaire.
Cependant, ces structures sont confrontées à des obstacles majeurs : accès limité aux ressources, capacités institutionnelles insuffisantes, normes culturelles marginalisant les femmes dans les rôles de leadership. Pour y répondre, NORCAP a lancé un programme visant à renforcer les capacités des organisations féminines et à garantir leur participation effective aux programmes DDR et à l’action humanitaire en général.
Renforcer les capacités de leadership
L’engagement de NORCAP a débuté par une évaluation des capacités organisationnelles afin d’identifier les lacunes et de proposer un appui ciblé. Un exemple illustratif est celui de l’Association pour le Développement et la Participation Communautaire au Cameroun (ADECOPA-CAM), basée à Maroua.
Avant le soutien de NORCAP, l’organisation manquait de documents de gouvernance fondamentaux pour gérer des projets de grande envergure.
« Avant le soutien de NORCAP, nous n’avions aucun document de politique interne », se souvient Fanne Yaya, coordinatrice de l’ADECOPA-CAM.
« Leur évaluation a mis en lumière ces faiblesses et a permis une amélioration globale de nos capacités. »
Grâce à ce programme, ADECOPA-CAM a élaboré des politiques essentielles, telles qu’un code de conduite et une politique de genre, et a acquis des compétences en gouvernance, gestion financière et plaidoyer. Elle joue désormais un rôle de premier plan dans les efforts de réintégration, en mettant l’accent sur les besoins spécifiques des femmes et des filles.
Intégrer une perspective de genre
Un élément clé de l’approche de NORCAP est l’importance donnée à des programmes sensibles au genre. Les organisations dirigées par des femmes sont particulièrement bien placées pour aborder les dimensions genrées du DDR : soutien aux ex-combattantes et à leurs proches, accompagnement psychosocial des femmes et filles victimes de violence.
NORCAP a mis en place des formations sur l’intégration du genre dans la réponse humanitaire et sur le renforcement des capacités de plaidoyer, permettant ainsi aux organisations de mieux faire valoir les considérations liées au genre dans la planification et la mise en œuvre des programmes DDR.
« La participation des organisations féminines au DDR ne relève pas seulement de l’égalité, mais aussi de l’efficacité », souligne Daouda Serifou, spécialiste genre et localisation de NORCAP travaillant avec ONU Femmes au Cameroun.
« Leurs contributions garantissent des initiatives holistiques et sensibles aux besoins de toutes les parties prenantes. »
Reconstruire des vies et des communautés
L’impact de l’appui de NORCAP est déjà visible dans les communautés. Dans l’Extrême-Nord, les groupes de femmes ont lancé des initiatives contre la stigmatisation des ex-combattantes et des survivantes de violences sexuelles, incluant des formations professionnelles, du soutien psychosocial et des dialogues communautaires en faveur de la réconciliation.
Ces efforts permettent à de nombreuses femmes de retrouver leur dignité, tout en contribuant activement au développement local.
« La réintégration ne concerne pas uniquement les individus – c’est une affaire de communauté », rappelle Daouda.
« Lorsque les organisations dirigées par des femmes prennent les devants, elles apportent une empathie et une compréhension essentielles à la reconstruction du lien social. »
Surmonter les défis
Malgré des progrès notables, des défis subsistent : normes patriarcales, faible financement durable, accès limité aux opportunités de mise à l’échelle.
NORCAP plaide pour un investissement accru dans les organisations dirigées par des femmes et pour la création de partenariats à long terme. En construisant des réseaux de collaboration et des dispositifs de mentorat, NORCAP permet aux structures locales de mutualiser leurs ressources et de démultiplier leur impact.
Une vision pour l’avenir
Alors que le Cameroun se prépare à entrer dans une nouvelle phase de son programme DDR en 2025, le rôle des organisations féminines sera plus crucial que jamais.
Le travail accompli par NORCAP a posé les fondations de leur participation durable. Mais pour garantir le succès à long terme, un soutien et des investissements continus sont indispensables.
À l’avenir, NORCAP envisage d’élargir ses actions de renforcement de capacités, notamment en développant des viviers de femmes leaders dans les communautés locales. Ces initiatives visent à consolider les acquis et à proposer un modèle reproductible de DDR sensible au genre dans d’autres régions touchées par les conflits.
